Le Nouvelliste        le 27 décembre 2011

LEMAN Gilbert Paillex a entrepris sa propre exploration de l'épave découverte par Mir 1

Hypothèses et nouvelles questions
Nicolas Maury

«Je me suis dit qu’il était peut-être possible de retrouver un nom inscrit quelque part. Mais de part et d’autre de l’étrave, aucune lettre ni numéro n’est visible. Et sur le tableau arrière, la rouille ne permet pas de déterminer si quelque chose était écrit. Cela dit, les nouvelles images font ressortir des éléments importants…»
Gilbert Paillex a entrepris ses propres recherches autour de l’épave repérée en juillet au large de Vevey par le sous-marin Mir I. «Le pilote Evgeny Chernyaev était aux commandes», poursuit le Vaudois. «Il a fait un film que j’ai pu visionner. Les conditions étaient bonnes. Nous n’avons pas eu la même chance lors de nos deux explorations ultérieures.»

Un naufrage datant probablement de 1909
Depuis la création de son robot sous-marin dans les années septante, le Vaudois a «inventé» pas moins de 40 épaves dans le Léman. Les plus célèbres sont celles du vapeur «Rhône» et des wagons de chemin de fer de la ligne d’Italie reposant entre Le Bouveret et Lausanne. «Repérer une chose au fond du lac n’est pas tout. Parvenir à déterminer comment et pourquoi elle se trouve là est au moins aussi intéressant…»

Un cliché du treuil de ce qui semble bien être une gabarre ayant coulé au large de Vevey en 1909. Elle gît actuellement par 230 mètres de fond. SUB-REC

En novembre, son ROV (remote operated vehicle) s’est immergé à deux reprises par 230 mètres de fond sur ce qui semble bien être un chaland. «Un article de 1909 parle du naufrage d’une gabarre transportant du sable au large du Grand Hôtel.» Se basant sur cette hypothèse, le passionné d’archéologie sous-marine a analysé les images que son robot a pu ramener. «L’article évoque quatre parois étanches et dit que les «trous d’homme» des parois avant et arrière ne fonctionnaient pas, permettant à l’eau d’entrer à l’intérieur. J’ai effectivement pu constater la présence de trois ouvertures carrées, montrant une échelle servant à descendre dans les compartiments», détaille-t-il, croquis à l’appui. Avant de risquer une explication: «Si on admet que trois des quatre compartiments se sont ouverts lors de l’accident – le vent était violent – la flottabilité n’était plus assurée. Cela a pu provoquer le naufrage.»

Interpréter les détails Fort de sa longue expérience, Gilbert Paillex a développé une capacité à faire parler les détails. Un en particulier attire son attention: «Le safran se trouve pratiquement sous la barge, ce qui est anormal. Si on l’imagine dans une position standard –c’est-à-dire dirigé vers l’arrière –, la demi-roue qui est fixée au haut du gouvernail se trouve alors sur le bateau. Comme sur la poupe des anciens vapeurs de la CGN, elle était probablement entraînée par une chaîne qui en faisait le tour et transmettait les mouvements de la barre. Ici, il n’y a plus de chaîne! A un moment donné, cette embarcation n’avait plus de système de direction.» S’est-elle rompue dans le coup de vent, rendant le bateau incontrôlable et obligeant l’équipage de cinq personnes à se sauver avec le naviot? «Le journal de l’époque ne le dit pas», regrette Gilbert Paillex. «La casse s’est peut-être produite après l’abandon en raison des fortes vagues. Le plus probable est que cette partie s’est brisée à l’arrivée sur le fond, la barge coulant avec une inclinaison arrière due au poids du moteur.»

Nouvelles recherches en 2012
Pour affiner ses théories, Gilbert Paillex retournera sur le site au printemps prochain, lorsque la visibilité sera meilleure. «L’hypothèse que cette gabarre soit bien la Paudèze est plausible. J’espère que mes futures explorations nous en apprendront plus. Car il reste des questions. Par exemple: Pourquoi ne voit-on ni la barre à roue, ni la timonerie?» •


Une chaîne devrait être liée à cette demi-roue. Elle a disparu. SUB-REC


«Repérer quelque chose est intéressant. Savoir comment c’est arrivé là l’est tout autant.»
GILBERT PAILLEX EXPLORATEUR DES FONDS DU LÉMAN

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